Il était gentil. Il était doux et tendre, bien que sec et ironique. Il était ce que tous les chatons sont, mais indépendant et solitaire. Instable, parfois en colère, parfois non. Il était tout ça, mais tout ça change et maintenant, il n’est plus ça. Il est autre chose. Maintenant. Maintenant, il est le froid, il est la glace, ce qui tombe durant la saison des neiges et rend le tout invivable, rend l’eau glacée. Il est la distance, ce qui sépare un chat d’un autre. Parce qu’il est un des guerriers les plus distants, un de ceux qui ne se mélangent pas aux autres, qui se contente de se retirer et d’observer. Un des guerriers qui n’explosent pas de joie, qui demeure dans ce froid, cette glace, celle qui étreint son cœur, celle qui ne le lâche pas d’un poil. Cette glace qui demeure au fond de lui et qui ne fondra pas, qui ne fondra jamais. Il est toujours en retrait, oui, toujours et son regard.. il se plante dans celui des autres comme s’il était capable de lire leurs cœurs, leurs âmes, comme s’il était voyant, guérisseur. Il est la discrétion même, comme le petit bruissement que l’on ne perçoit pas, il vaque à ses occupations sans rien de plus, sans qu’on ne sache il est où, ce qu’il fait et il arrive, il fait sursauter, il surprend. Parce qu’il est silencieux. Mais il parle, il n’est pas muet, il ne faut pas s’en faire pour cela, il parle. Sauf que… il parle peu quand il n’en a pas envies, puisque ses envies guident sa vie. Ses envies et sa mère, il faut le dire. Et ses sentiments. Ceux qui restent, bien ancrés dans son cœur. La haine, la rancœur. Et la soif de pouvoir, de vengeance. Il y a bien sûr les sentiments secondaires, mais sa mère a fait en sorte que ce soit ceux-là qui demeurent les principaux. Parce qu’elle est là et elle fait en sorte que son amertume demeure dans son âme, son cœur. Et ne parlons  de fidélité en parlant de lui, parce que même si cela ne se sait pas, il est bien loin d’être le guerrier loyal qui laisse paraître. Non. Pas du tout. Lui, il est motivé par l’envie de posséder, de détruire et de gouverner, mais d’anéantir le Clan dans lequel il est, comment être loyal ainsi ? Il n’hésiterait pas à donner des informations vitales sur la faiblesse de son Clan à un autre Clan, quitte à se faire bannir et devenir solitaire si cela s’apprenait.  Parce que tout dans son cœur peut facilement devenir noir. Observateur. Il l’est, ça oui. Il ne laisse aucun détail lui échapper, parce qu’il se doit d’être prudent, dans sa traîtrise, d’être toujours sur ses gardes… sauf quand le sang vient s’y mêler, parce qu’il peut tuer ce guerrier. Il aime ça… tuer et combattre. Un peu comme s’il était né pour cela.

La première chose que l’on remarque lorsqu’on pose nos yeux sur, qu’on observe, ce guerrier imposant, c’est n’est rien d’autre que le pelage de ce dernier. La couleur de son pelage pour être plus précis. Cette couleur éclatante qui rappelle sans aucun mal cet Astre, qui si digne s’hisse dans le ciel, cet Astre nocturne auquel il voue une loyauté sans pareil. Oui, le gris de son pelage se retrouve à être d’une pâleur extrême, se rapprochant même du blanc, mais demeurant gris, de ce gris aux reflets d’argent. Reflets si magnifiques. Qui rendent si bien, illuminant son regard, le baignant de cette lueur argentée coupant le souffle. Son pelage qui n’est pas trop long, ne l’encombrant pas durant la saison des feuilles vertes, mais pas trop court, pour le réchauffer lors de la saison des neiges. Une longueur parfaite, entre les deux extrêmes, le juste milieu tout compte fait, juste milieu qu’il n’est pas capable d’atteindre dans son comportement. Et son regard, celui qui se plonge dans les yeux des autres, sévèrement, ses pupilles, portant la couleur du ciel gris, du ciel orageux, mais demeurant légèrement plus pâles que les nuages annonceurs d’orage. Parce que ses yeux n’étaient pas si foncés, non, juste d’un gris légèrement pâle, mais orageux quand même. Orageux et glacés. Oui, ses yeux étaient froids, complètement froids. Ne dégageant rien d’autre qu’une aura glacée, faisant frissonner, donnant froid dans le dos. Et soudainement, il sort les griffes. Comme ça, sans prévenir, mais reste qu’il les sort. On peut les voir, acérées, brillantes, blanches, éclatantes. On peut les voir, prêtes à déchirer la peau d’un ennemi, de qui que ce soit. Menaçantes. Et quelque part, tâchées de sang. Oui, il y a quelques tâches d’une couleur rouge atténuée, et si on lui posait des questions, il prétendrait que c’était son propre sang, mais il n’en était rien. Parce que c’était le sang des autres, tout bonnement. Même s’il ne le dirait pas, pour ne pas s’attirer de problèmes. Ses griffes sont le reflet de ses canines, de ses dents, blanches, mais légèrement sales, acérées, prêtes à se planter dans la gorge de n’importe quel chat pour lui déchirer la jugulaire. Concernant sa queue, elle n’est pas en panache, elle ne s’étend pas, elle n’est pas plus poilue que le reste de son corps, non, elle est fine, du même pelage uniforme, de ce gris étincelant, argenté. Ses pattes sont taillées pour la bataille, elles sont imposantes, fortes, parce que ce guerrier ne manque décidément pas de force, même s’il est tout autant capable d’être vite. Parce qu’il s’entraîne jour après jour, sans s’arrêter. Il est important toutefois de noter que sa force est de beaucoup supérieurs à sa vitesse, puisqu’il se fit surtout justement à ses techniques de combat et la force qui en découle. Et ses oreilles sont tout ce qui est de plus normal : elles sont triangulaires, mais pas trop non plus, sans rien pour les agrémenter, parce qu’il est un guerrier assez ordinaire malgré tout, par son physique, on s’entend.

Il y a tant de choses à savoir, à découvrir, tant de choses que le monde offre, que la vie donne. Il y a ces histoires que l’on compte alors que la nuit s’éteint, laissant place à l’aube, au soleil qui se lève. Il y a les valeurs que l’on inculpe. Il a tout. Et tous les chatons sont plongés dans ce monde qui a tant de choses à leur faire découvrir, tant de choses à leur montrer. Ces chatons se retrouvent perdus s’ils n’ont pas les repères nécessaires et parfois, parfois ils s’éloignent de ce chemin tracé pour eux. Et lui, il s’est éloigné de ce chemin, mais pas quand il était petit non, au fur et à mesure, mais tout commence au commencement, alors n’allons pas trop vite, voulez-vous ? Commençons par ce début. Celui qui marque les premières minutes de la vie, celui qui annonce le commencement, qui annonce que la fin arrivera un jour, parce qu’à chaque début sa fin.

Une naissance. Ça peut être synonyme de joie, ça peut être quelque chose faisant briller le bonheur dans les prunelles des parents, de ceux qui voient les petits naître, de la femelle qui les met au monde, mais parfois ce n’est que la négativité qui règne. Parce que toutes les naissances ne sont pas dans les bons moments, dans les moments où l’on est serein, dans les moments où tout va bien. Cette chatte venait de se laisser tomber après avoir marché longuement, s’être éloignée d’un autre chat, d’un mâle. D’un mâle qu’elle avait aimé, mais pour qui l’amour s’était rapidement envolé. Et elle se retrouvait seule, sans personne pour l’aider, à endurer les contractions douloureuses qui se faisaient sentir plus que tout. Elle grogna même. Mais le petit paquet finit par tomber, et elle s’attendrit. Elle n’aurait pu faire autrement. Il était si petit, et pourtant déjà si beau. Elle se chargea de le nettoyer et puis elle s’étendit avec le chaton contre elle, lui qui la tétait. La nuit était tombée, rendant le tout bien dramatique.

Elle le regarda. Elle ne pouvait pas faire autrement. Il était la chair de sa chair et elle tenait déjà bien à lui. Mais… mais elle ne pouvait pas le garder et cette simple constatation lui fendit le cœur. Elle voulait le garder avec lui, mais l’existence d’un solitaire était bien difficile et elle voulait que son petit ait la vie plus facile, plus douce, même si la tolérance serait plus basse envers lui. Elle regarda son petit, lui qui n’aura pas à vivre avec son héritage à elle. Elle qui s’était vu banni du Clan de la Nuit, elle qui avait pris le nom de Sakuya. La Lune était si haute dans le ciel cette nuit-là, était-ce un signe ? La solitaire se le demandait tandis qu’elle observait le petit qui était à moitié endormi. Et alors elle remarqua. Les rayons de la lune qui se reflétaient dans le pelage gris pâle de son fils.

«Par honneur à ton pelage, ton nom sera Patte Lunaire mon enfant. Tâches de t’en souvenir.» miaula-t-elle doucement.

Elle avait choisi un nom de Clan. Et ce n’était pas pour rien. Elle allait le faire prendre par un Clan. Un Clan où elle n’avait aucun lien, où elle n’avait absolument rien, mais pas celui du Zéphyr parce qu’elle entretenait une rancœur envers ce Clan, c’était là que son père habitait. Elle avait été bannie du Clan de la Brume, et le père du petit était dans le Clan de la Foudre. Il ne lui restait plus qu’un Clan. Un seul. Le Clan de la Nuit. Alors, au lever du soleil, elle laissa son petit là. Elle le laissa et espéra que les chats soient cléments.


Une lune. Patte Lunaire avait une lune désormais. Il ne se souvenait pas de sa vie en dehors du Clan, il ne se souvenait pas de sa mère si ce n’était de l’odeur. Il avait une lune, recueilli par le Clan de la Nuit, il avait grandi légèrement, mais la tolérance n’était pas envers lui. On se méfiait beaucoup de lui, même si quelques-uns se montraient plutôt amicaux. Il ne laissait pas les reines s’occuper de lui si ce n’était pour le nourrir, il se montrait bien indépendant, il grandissait, le temps passait, il ne comprenait pas. Il ne comprenait pas tout ce qu’on lui disait, même s’il posait beaucoup de questions, il ne comprenait pas les croyances des Clans. Comment des chats morts pouvaient-ils veiller sur les chats de la forêt depuis le ciel ? C’était inconcevable pour lui qui prenait les étoiles pour des étoiles et non les défunts chats.

Et à cet âge, une lune, une misérable petite lune, la curiosité était là. Elle serait sans doute toujours là, la curiosité. Et c’est cette curiosité qui le poussa un matin à s’enfuir du camp en douce pour explorer les environs et atteindre les terres libres sans même en avoir conscience. Et c’est grâce à la curiosité qu’il fit la connaissance d’une petite chatte. Elle était belle et gentille. Douce. Elle n’était pas méfiante. Loin de là. Et ensemble, ils jouèrent. Ils s’amusèrent comme jamais Patte Lunaire ne s’était amusé auparavant. Mais il lui fallut rentrer finalement, il lui fallut revenir au camp, et bien heureusement, son absence ne s’était pas fait remarquer.

Mais il avait dû rentrer. Et le temps était redevenu morne et insipide, sans aucune utilité. Il était de nouveau le chaton distant et instable, parfois gentil, parfois méchant, qui manquait d'arracher certaines moustaches et qui demeurait toujours, sans cesse, dans son coin. Il était de nouveau Patte Lunaire, sans rien de plus. Et une autre lune passa. Et cette journée... cette journée allait tout changer sans même qu'il ne le sache, sans qu'il ne puisse le deviner. Parce qu'il n'était pas guérisseur, le Clan des Étoiles -auquel il ne croyait pas- ne lui parlait pas, à lui. Cette journée, il s'était levé de fort mauvaise humeur et avait demandé la pile de gibier à un autre chaton qui traînait aux alentours et ce dernier avait parlé. De ses parents à lui. Une discussion s'était imposée. Et au final, Patte Lunaire n'avait pas mangé, mais il s'était fait une connaissance agréable, avec qui parler.

Et cette connaissance était aussi joueuse qu'elle. Sortir du camp en douce, ça tentait le chaton gris pâle, Petite Aurore, qui demanda à Patte Lunaire s'il était déjà sorti. La réponse ne se fit pas attendre. Les deux désobéissaient. Mais.. c'était amusant désobéir après tout. Alors ensemble ils se rendirent hors du camp, ensembles, ils marchèrent discrètement tout en parlant, en se découvrant, en apprenant à connaître l'autre. Et le chaton gris pâle lui demanda s'il voulait jouer à cache-cache et Patte Lunaire accepta. Il aimait bien jouer quand son partenaire était gentil. Alors Petite Aurore s'éloigna pour compter et Patte Lunaire chercha une cachette pour tomber sur...sa mère. Enfin, une solitaire morte, assassinée, et il y reconnu sa mère. Il s'enfuit tout simplement. Il ne voulait pas rester là.

Et les lunes passèrent. Il ne sortait plus du camp. Il s'était juste rapproché du lieutenant, Équinoxe du Printemps, qui lui avait dit de venir le voir dès qu'il voulait. Il ne s’était rien passé d’autre d’important durant ces lunes qui défilaient. Trois lunes, quatre lunes, cinq lunes, bientôt son baptême d’apprenti, il était d’avantage refermé sur lui-même, d’avantage porté à ne pas parler, à ne pas se confier, d’avantage porté à être bien froid, bien distant envers ceux de son Clan d’adoption. Son baptême d’apprenti arrivait à grand pas, il avait hâte, il était bien excité, mais seulement à l’intérieur. Il se faisait petit pour la pouponnière, surtout depuis qu’une des reines avait eu une portée. Il se sentait trop coincé, trop à l’étroit. Et il avait hâte de recevoir son baptême d’apprenti. C’était un moment qui tardait bien trop à son goût.

Six lunes. Enfin. Il avait enfin six lunes, il pourrait enfin recevoir son nom d’apprenti, sortir de cet endroit où il y avait bien trop de chatons, où il ne se sentait pas à sa place. Il s’avança quand l’appel général retentit, il regarda de ses yeux gris Étoile du Lynx, avec une sorte de défi masquée et d’arrogance. Il le regarda et l’écouta dire les paroles qui sont au final toujours les mêmes, rituel ancestral oblige. C’était drôle aux yeux du futur novice qui ne croyait qu’en l’Astre de la nuit qui lui avait valu son nom. Il ne croyait qu’en la lune. Mais il prêtait tout de même attention aux paroles du meneur, au rituel et il sourit. Nuage Lunaire. Son nom d’apprenti avait été nommé, trop tard pour reculer. Son plus grand bonheur fut quand le chef annonça qui serait son mentor : Équinoxe du Printemps, le seul guerrier du Clan qu’il aimait bien, le lieutenant qui plus est. Il souriait d’avantage en ce moment.

Première sortie avec son mentor. Première sortie en tant qu’apprenti, avec son  nouveau nom, première sortie tout bonnement autorisée en dehors du Clan, première. Ils allaient faire connaissance des frontières, c’était ce qu’il fallait faire sans aucun doute. Alors ils marchèrent en direction des frontières et le lieutenant dit au novice tout ce qu’il y avait à dire, un apprentissage des plus normaux, des plus banals. Un apprentissage qui s’annonçait tranquille, mais c’était sans compter les revirements du destin.

Sept lunes. Rien de nouveau, rien de nouveau à signaler si ce n’est que Nuage Lunaire à comprit que son mentor détestait définitivement chasser, ainsi que se battre et que l’apprentissage du novice prenait beaucoup de retard à cause de cela. Il savait tout de même chasser. Équinoxe du Printemps était parvenu à lui montrer, mais c’était absolument tout ce qu’il savait faire, sauf qu’il n’en voulait pas non plus à son mentor, il ne pouvait que comprendre, il était encore compréhensif, il n’était pas encore fourbe. Il n’avait que sept lunes, son caractère n’était pas encore modelé. Alors sept lunes et un peu de retard, mais pas trop non plus. Il aimait tout de même son mentor.

Huit lunes. Les lunes passaient, son apprentissage continue à prendre du retard, surtout en combat, parce que pour la chasse et la pêche, il apprenait des autres. Il s’était rapproché d’une novice de son propre Clan, pour montrer aux autres qu’aucune soif de vengeance ne montait dans son cœur et pourtant...pourtant, une soif de vengeance s’amplifiait de plus en plus. Il n’y pouvait rien. C’était ainsi. Il détestait le Clan de la Nuit, il le prenait pour responsable dans la mort de sa mère et il voulait se venger. Tout était aussi simple. Il se mit à voir le Clan tout entier comme responsable pour abriter un meurtrier.

Neuf lunes. Une découverte. Qui changera sans doute sa vie : sa mère. Sa mère est venue le voir dans son sommeil. Elle est venue le voir et lui a fait comprendre que si le Clan des Étoiles existe, il n’est qu’un bon à rien, elle lui a parlé de la Forêt Sombre, mais surtout et avant tout, elle l’a entraîné au combat, elle lui a montré des techniques. Une à une. Pour qu’il sache se battre malgré son mentor, alors pour une fois, son entraînement reprenait son retard, voir dépassait et devenait en avance. Il passait des nuits et des journées à travailler ses techniques de combat nouvellement apprises, c’était tout aussi simple.

Dix lunes. Onze lunes. Il s’est encore plus rapproché de cette novice avec une lune de moins, pour faire style qu’il est fidèle au Clan de la Nuit. Il est resté encore plus souvent à l’extérieur, il a appris à bien chasser, il perfectionne le tout. Sa mère ne le quitte plus, elle l’influence dans la majorité de ses choix. Elle est toujours là. Il est froid, distant, fourbe. Il a même donné, sans que nul ne le sache, quelques renseignements quant à son Clan à un membre du Clan du Zéphyr. Il n’était pas le novice exemplaire qu’il fallait qu’il soit, mais il faisait mine d’être le novice exemplaire qu’il aurait dû être, mais qui n’était pas, à cause de sa mère tout particulièrement.

Douze lunes. Il poursuivait ses entraînements nocturnes, dans ses songes, il continuait de développer ses muscles, de tout développer. Il participait de plus en plus aux patrouilles, voyait de moins en moins son mentor, mais appréciait toujours autant le lieutenant, même si le dégoût de ce dernier pour la chasse, le combat faisait bien rire le novice désormais, parce que lui s’était prit un goût intense pour le combat. Douze lunes. Il avait bientôt fini son apprentissage au sein du Clan de la Nuit, il allait bientôt devenir un guerrier à part entière, mais il ne finira jamais son véritable entraînement, celui avec sa mère, qui venait de plus en plus le voir, quand il était seul dans les terres de son Clan.

Treize lunes. Une intrus dans les terres. Un compagnon de patrouille aussi assoiffé de sang que lui, parce que oui Nuage Lunaire avait développer un goût de sang et de pouvoir au fil des lunes passées avec sa mère. Ce n’était sans doute pas bien, mais c’était le cas. Et une intrus sur leurs terres. Un combat à deux contre un. Une morte dissimulée en accident. Et une raison pour donner à Nuage Lunaire son baptême de guerrier. Il était content, fier de lui, et avait goûté pour la première fois au goût du sang. Il allait sans dire qu’il ne l’oublierait jamais, ce goût particulier et enivrant.  Il était maintenant face à Étoile du Lynx de nouveau. Et la lueur de défi et d’animosité dans les yeux du novice en passe de devenir guerrier était encore plus présente à ce jour.

Quatorze lune. Cela faisait une lune qu’il se nommait Mirage Lunaire et une lune qu’il avait reçu un apprenti auquel s’occuper. Il le formait. Il privilégiait le combat, cela allait sans dire. Un novice qui était doux, calme, passif. Qui n’avait pas le profil que recherchait Mirage Lunaire, mais le guerrier se disait que si jamais il venait à être lieutenant, il lui faudrait avoir un apprenti déjà entraîné, alors il endurait. Et il l’entraînait. Comme ça. Il lui apprenait aussi à chasser, il lui avait montré les frontières et c’était de suite attaquer à son entraînement au combat, parce que c’était ce que le guerrier préférait, le combat. Au contraire de son ancien mentor, le lieutenant, Équinoxe du Printemps.

Quinze lunes. Son apprenti commençait à être bien robuste, et surtout à aimer autant le combat que le guerrier, le novice commençait à caler son attitude sur celui de Mirage Lunaire. Il fallait croire que le guerrier au pelage argenté était bien capable d’influencer un apprenti qu’il formait, n’est-ce pas ? Que l’on soit d’accord ou pas, il fallait bien admettre que son apprenti commençait peu à peu à lui ressembler. Mirage Lunaire n’avait pas perdu sa complicité avec son ancien mentor, ils parlaient souvent ensemble, mais ce dernier ne savait pas à quel point le cœur de son ancien novice était devenu noir, et il ne fallait pas plus qu’il le sache parce que Mirage Lunaire continuait de s’entraîner dans la Forêt Sombre avec sa mère. Et il ne comptait pas s’arrêter.

Seize lunes. Son novice était avait désormais quatre lunes d’entraînement. Il ressemblait de plus en plus au guerrier au pelage argenté. Parlons-en de ce dernier, Mirage Lunaire, qui passait tout son temps à entraîner son apprenti et à s’entraîner lui durant la nuit… il n’avait point pensé que son rapprochement avec la novice devenue guerrière aurait pu donner suite, cette dernière était désormais à la pouponnière et attendait sans doute une visite du guerrier qui prenait comme prétexte pour ne pas y aller qu’il avait un apprenti à entraîner. Il n’avait pas voulu être père, mais au final, était-ce une si mauvaise nouvelle ? Son sang coulait désormais définitivement dans le Clan de la Nuit.

Dix-sept lunes. L’entraînement se poursuivait. Il était passé voir la guerrière qui portait ses enfants dans la pouponnière, mais il n’était pas resté longtemps, retournant entraîner son novice, faire des patrouilles, évaluer ses compétences, il ne laissait aucune minute de libre à ce novice qui lui avait été attribué. Et il ne lui laisserait jamais de temps, parce que travailler était la clé de la réussite.

Dix-huit lunes. Il ne restait plus qu’une lune avant que son novice passe guerrier, il ne restait plus qu’une lune avant qu’il n’ait aucun novice à entraîner, il ne restait plus qu’une lune. Ses petits étaient nés. Deux mâles, une femelle. Il passait les voir de temps en temps, mais sans plus, ils n’étaient que des chatons pour le moment, il s’en occuperait sans aucun doute bien plus quand ils passeront novices, mais ce n’était pas le cas pour le moment, alors il ne s’en occupait pas plus que cela. Il s’occupait de son novice qui n’avait plus qu’une lune à tenir pour devenir guerrier.

Dix-neuf lunes. Son novice venait de passer haut la main son évaluation, il était prêt à recevoir son nom de guerrier, Mirage Lunaire était fier. Il accompagnait l’apprenti devant Étoile du Lynx qui lui donna ainsi son nom de guerrier, le délivrant des corvées d’apprenti, lui donnant le champ libre, et le libre-arbitre, laissant ainsi Mirage Lunaire reprendre ses journées normales, retourner dans les terres à chasser et s’entraîner, parce qu’il était bien rarement dans le camp, mais il n’avait pas à être souvent dans le camp, il n’était qu’un simple guerrier.

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